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VOILES & VOILIERS : Le député Jimmy Pahun raconte sa Rolex Fastnet Race

Jimmy Pahun a longtemps été un skipper très en vue sur le Tour de France à la Voile. Il a aussi remporté une transat en double (avec Alain Gautier) et le Spi Ouest-France à de nombreuses reprises. Il a remisé depuis six ans son ciré contre une écharpe tricolore de député. Mais pour la 50e édition du Fastnet, il n’a pas su résister à la tentation. Il nous raconte son retour à la barre dans des conditions plutôt musclées.

Qu’est-ce qui peut bien motiver un garçon qui n’a plus 20 ans à aller faire la course du Fastnet sabre au clair ? 

Sans doute, d’abord, mes lectures d’enfants. Je me souviens d’un très long article de Jean-Michel Barrault racontant l’édition 1975 à bord de Jubilé, le Contessa 35 de Saint-Malo. Sans doute, aussi, l’histoire d’une course qui fête, cette année, sa 50e édition et qui était avant que les Frenchies s’en mêlent, le banc d’essai de la course au large : un genre de 24 heures du Mans avec les Daurade, Rabbit, Imp ou encore Diva de Bernard Moureau (à bord duquel j’étais matelot il y a 40 ans !). 

Une course de légende avec son rocher posé au Sud de l’Irlande, ses histoires et ses tragédies. Enfin le besoin de reprendre la mer, de retrouver une vie de marin, pour quelques jours loin de l’hémicycle de l’Assemblée nationale. J’y siège pourtant avec bonheur et responsabilité depuis 2017, année de mon élection dans la 2e circonscription du Morbihan : celle qui, d’Ouest en Est, va de la Citadelle de Port-Louis au Phare des Cardinaux.


Dans la lignée de Gaston Defferre 

Depuis que je suis élu, ne pouvant m’éloigner trop longtemps de la mer, je l’ai, comme ainsi dire, emmenée à l’Assemblée nationale. Je n’y cesse, en effet, de porter la préservation, la bonne gestion et le partage des océans : négociations internationales sur la haute mer, lutte contre la pollution plastique, soutien aux ostréiculteurs, défense de la loi littoral, attractivité des métiers maritimes, reconnaissance de la spécificité des îles du Ponant… Beaucoup de mes sujets tournent autour de la mer avec comme boussole, les rapports du GIEC, des ministères et des ONG avec qui je travaille régulièrement. 

Mon objectif du moment est de relancer la politique polaire française. J’ai, pour cela, déposé une proposition de loi de programmation avec plusieurs collègues dont Clémence Guetté, députée LFI du Val-de-Marne. En toute honnêteté, je ne suis pas peu fier de m’inscrire dans la lignée des Gaston Defferre, Michel Rocard, Jean Glavany ou Dominique Tian, députés passionnés de la mer, pire de la régate ! Donc voilà ! 

Mais concrètement comment trouver un embarquement sur le Fastnet ? Par une rencontre à Marseille et un coup de fil le lendemain de Jean-Pierre, propriétaire du bateau, passionné de mer et de voile, avec plus de dix traversées de l’Atlantique, de nombreux Fastnet et régates anglaises et méditerranéennes, accompagnant de nombreux skippers depuis plus de vingt ans et lointain cousin d’Alain Gautier.

Mauvaise météo pour les premières heures de course 

Un gros voilier de course c’est d’abord une organisation. Un équipage en partie professionnel pour la maintenance, le matelotage, les convoyages d’une mer à l’autre. Une seconde partie faite de régatiers embarquant pour les courses. À bord de Lady First 3, c’est 54 courses du Figaro additionnées : les 27 de Jean-Paul, les podiums de Xavier, les belles performances de Nicolas et Ronan. Des marins de métiers, des amis de Jean-Pierre qui tous vont devoir trouver leur rythme très vite d’autant que la météo annoncée est mauvaise pour les premières heures de course.

Pour mieux m’intégrer à une équipe qui se connaît bien, j’ai demandé à faire le convoyage de Cherbourg à Southampton. Convoyage tranquille avec un équipage quasi au complet. Xavier, notre skipper course et navigateur nous fait passer par l’Est de l’île de Wight… Dommage on ne verra pas les Needles. Remontée de la rivière de Hamble, pour une dernière nuit à Ocean Village. Dîner à bord et bonne nuit. D’autant qu’Olivier, l’un des marins du bord et notre équipier d’avant m’ont trouvé un duvet pour mon confort.

Départ sous petit foc avec deux ris dans la GV 

Nous sommes 13 à bord, Jean-Pierre, Xavier et Olivier sont hors quart. Deux quarts de cinq avec comme chefs Nicolas et Ronan. Les quarts débuteront à minuit après les premières heures de course qu’on annonce tempétueuses. Tempête, je n’arrive pas à y croire… Je me dis que le comité est suffisamment raisonnable pour ne pas nous envoyer trop à la baston. Tu parles ! Après avoir monté tourmentin et voile de cape, les départs s’enchaînent… Multicoques, Imoca, Class40… 

C’est notre tour. Les départs des bateaux de jauge ont été inversés. Nous partirons les premiers pour ne pas croiser les petits et limiter les risques de collision. Il est aux alentours de 14 h et notre départ est donné, petit foc et grand voile 2 ris. Jean-Pierre et Xavier ont préféré jouer la sécurité et nous éviter des manœuvres hardies en milieu de Solent. Bien nous en a pris. Le problème c’est qu’à la sortie de l’île de Wight le vent déjà fort est contre le courant et la mer, courte et hachée, est bien difficile à anticiper. 

Ne jamais oublier que la mer est la plus forte 

Le vent continue de monter et après une bonne sortie du Solent, faisant autant attention à nos croisements prioritaires que bâbord amures, Ronan me donne la barre et débrouille toi ! Seb, un équipier marseillais, regarde quand même sur Wikipédia à qui il a donné la barre. J’espère qu’il est rassuré. 

On fait le dos rond, le froid et le mal de mer gagnent une bonne partie de nous, moi le premier. Assez vite on se retrouve tout seul face à la mer et au vent qui ni l’un ni l’autre ne mollissent. « Métier de misère », je dis à Nico, en pensant aux pêcheurs, aux marins de commerce mais aussi à nous qui pour beaucoup prenons du temps de vacances pour bien se faire rincer la gueule, avant de m’affaler en travers dans le cockpit après une vague plus violente que les autres. Malgré un super briefing sécurité avant le départ, les perches IOR et autres bouées couronnes ne tiendront pas à la mer. Ne jamais oublier que la mer est la plus forte !

Malade, trempé, l’équipage commence un peu à se disperser et les quelques vaillants encore sur le pont entament les quarts bien avant minuit. Évidemment, dans ce vent de tempête nous aurons notre lot de misère, au point d’imaginer un moment faire demi-tour… Un très court détour dans la baie de Portland pour permettre à Robin, le capitaine du bateau, de réparer nos soucis et nous repartons à l’attaque du Fastnet. 

Toujours être à l’heure au changement de quart 

Nous savions que le vent allait mollir. 30 nœuds, 25, 20… Il est 2 heures du matin, nous larguons le 2e ris, les quarts s’organisent, le gros est passé. Dans le fameux duvet que m’a prêté Olivier, j’ai retiré mes chaussettes, essayé de me sécher, pour bien me reposer en dormant 2 petites heures : être à l’heure au changement de quart est la première règle à se donner par correction pour le quart descendant. Pendant Lorient / Saint-Barthélemy, en double avec Alain Gautier, je m’étais fait obligation d’être toujours 5 minutes avant l’heure. À l’arrivée Alain le remarquera et cela me fera bien plaisir. 

 Très vite, la vie normale reprend ses droits, le vent mollit encore un peu plus. Après Alain Gautier je pense à Eugène Riguidel qui effaçait de sa mémoire les mauvais moments pour ne se souvenir que des bons. Ces bons moments nous allons les enchaîner les uns après les autres. De quart le long de la Cornouaille, de quart au passage du Fastnet… les quarts rythment la vie du bord de façon très organisée et font passer les journées à toute vitesse. J’aurais même le luxe de prendre le temps de me plonger dans quelques pages de la biographie de Paul-Émile Victor, sur les traces de qui je pars au mois d’août. 

 Envoi du grand spi après le Fastnet 

 Les quarts et les repas. Nourrir 13 équipiers c’est aussi une belle organisation : le bœuf carotte, le veau mais aussi des rognons, délicieux, accompagneront riz et pâtes dans des gamelles en acier qui portent bien leur nom. Heureusement, nous sommes sur un gros bateau. On peut se retrouver autour du carré à 6 ou 7 sans se gêner. Tant pis si quelques-uns d’entre nous traînent sous le vent, leur tour viendra !

Les quarts s’enchaînent, le routage particulièrement précis nous fait passer sous J3 et un ris pour monter au Fastnet. Premières lueurs sur l’Irlande que nous longeons avant de voir le caillou, que nous passerons en compagnie du Class40 italien, quasiment l’unique bateau que nous croiserons de si près de toute la course. Petite molle au Fastnet qui sera le seul moment sans vent de la course. Envoi du grand spi et route vers Cherbourg. Spi que nous devrons affaler à 2 minutes de l’arrivée mais pour renvoyer un code zéro et toujours être au meilleur potentiel du bateau. 

J’aime cet esprit anglais qui nous met devant nos responsabilités 

Il est 2 h 30 du matin. Nous coupons la ligne d’arrivée. Nous nous serrons tous la main. Nous rangeons le bateau. Nous l’amarrons à quai puis vient le moment de refaire ces 3 jours de course autour d’une bière, fiers et heureux du travail bien fait. Comme le disait Eugène oubliant presque les premières heures de course pour ne garder que les bons souvenirs. Terribles premières heures : un bateau coulé, de nombreux en détresse, plus de 150 abandons. Aurions-nous retardé le départ en France ? C’est probable mais j’aime cet esprit anglais qui nous met devant nos responsabilités.

Pour tout vous dire, je suis heureux et fier d’avoir participé à la 50e édition du Fastnet, d’avoir tenu mon rôle d’équipier. Très heureux aussi de saluer, à l’arrivée, le maire de Cherbourg, Benoît Arrivé, et le féliciter d’avoir fait de cette course un peu élitiste un bel événement populaire. J’exprime encore ma gratitude à Jean-Pierre et à tout l’équipage pour m’avoir accueilli.


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